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Publié : 28 novembre 2013

Affaire Baby-Loup

Tournons la page

Le 27 novembre, la chambre sociale de la Cour d’appel a validé le licenciement de l’ancienne salariée, Mme Afif. La crèche Baby-Loup et ses défenseurs sont soulagés car la laïcité sort renforcée de cette énième confrontation juridico-politique qui dépasse les frontières de la ville de Chanteloup. D’ailleurs la crèche emblématique s’en va à Conflans-Sainte-Honorine. Il est temps de tourner la page. Après une vingtaine d’articles sur cette affaire, le J2R la tourne.

"C’est gagné, la République est sauvée... ", ce sont des conclusions hâtives sur les ondes de la radio et de la presse écrite (et sur le net) suite à la décision de la Cour d’appel de Paris qui vient de valider la licenciement de l’ancienne salariée de la crèche Baby-Loup, Mme Afif. L’avocat de Baby-Loup, Me Malka, a souligné que les valeurs "universelles" sont intactes dans la République... Certes, la chambre sociale de la Cour d’appel a suivi le 27 novembre les arguments développés par François Falleti, procureur général de la cour d’appel de Paris. Liberté de conscience, garant d’une certaine neutralité dans les lieux publics ou exercice d’un service public ont été des arguments chocs utilisés par les juristes de la Cour d’appel de Paris. En outre, un ovni juridique nouveau, "l’entreprise de conviction" vient d’apparaître dans le paysage juridico-médiatique de Paris. D’ailleurs, personne n’a su bien expliquer le sens et la portée de cette notion. Au-delà, la contradiction avec la précédente décision de la Cour de cassation du 19 mars 2013 où cette dernière avait expliqué que la crèche Baby-loup n’avait pas vocation à être un "délégataire du service public..."

Arnaud Richard, le député de la 7e circonscription des Yvelines, a apporté le même jour son soutien à ces « héros quotidien du service aux publics  » qui œuvrent encore et toujours dansà étendre l’obligation de neutralité aux structures privées accueillant des enfants ces quartiers. En confirmant l’importance du respect de la laïcité, y compris dans une crèche associative, cette décision met enfin un terme à un conflit stigmatisant pour le territoire. Ce jugement confirme le bien-fondé du travail des élus et de nombreux acteurs du territoire. Acteurs qui ont fait de la défense de cette crèche un objectif prioritaire depuis son ouverture en 1991, à l’initiative des femmes de la Cité La Noé et avec le soutien déterminé de la municipalité, alors dirigée par Pierre Cardo et aujourd’hui par Catherine Arenou.

Cette jurisprudence pose la question de la place que le législateur devra prendre sur ce sujet délicat. Elle est la pierre angulaire pour l’adaptation de la législation telle que proposé par Arnaud Richard dans sa proposition de loi visant « à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées accueillant des enfants ». Cela dit, n’allons pas trop vite, car sur les ondes de France-Inter, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a défendu l’idée de ne pas brusquer les choses. Et cela semble plus conciliant pour les uns et les autres.

Me Henry, le défenseur des intérêts de Mme Afif, a fait valoir que les sa cliente allait se pourvoir en appel... et même plus loin aller à la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg. Suite à cette décision du 27 novembre, il est certain que cette affaire continuera à faire couler d’encre, mais les enjeux et l’échelle ne sont plus les mêmes. Il s’agit d’un combat - qui a commencé déjà dans les années 90 avec l’affaire du foulard - qui risque d’exacerber la crise identitaire de la société française. Les clivages dépassent les frontières classiques entre les tenants d’une laïcité "fermée" et ceux ayant une "vision différentialiste, voire communautariste" de la société. Il est temps de s’approprier ce débat de front et de ne plus parler de Baby-Loup. Même Marine Le Pen est devenu une inconditionnelle de la laïcité. Mais, est-elle la mieux placée pour la défendre ?

Et maintenant tournons la page !

Quant à l’avenir de la crèche, tout et son contraire a été dit sur les origines de ce conflit. Récemment Pierre Cardo, l’ancien député-maire, a exposé ses "vérités" au membres de l’Observatoire de la laicité. Les torts semblent partagés entre la direction de la crèche et Mme Afif. Deux personnalités fortes - Mme Baleato et Mme Afif - se sont affrontées ; pour elles, la fin justifie les moyens car tous les moyens (médiatiques, réligieux...et politiques) ont été utilisés par les uns et les autres pour faire avancer leurs arguments lors des confrontations juridiques à Mantes-la-Jolie à Versailles et puis à Paris. Pour le J2R, le début de l’affaire commence comme un simple licenciement (une affaire de l’arroseur arrosé) et devint une affaire nationale sur la laïcité. En effet, la crèche Baby-Loup est devenu le centre de gravité d’un débat national.

Le soir du 19 mars, l’entourage et proches de la crèche Baby-Loup se sont réunis dans le 13e arrondissement (rue des Terres au Curé, il fallait vraiment l’inventer !) pour définir une stratégie suite à la décision de la Cour de cassation contrariante pour les "amis de la crèche Baby-Loup". C’était le moment clé pour la sauvegarde ou non de la crèche emblématique à Chanteloup. Pour rappel, la Cour de cassation avait invalidé le licenciement de Mme Afif. Cette décision était une douche froide pour les défenseurs de Baby-Loup et, par le symbole, pour ceux qui défendent la laïcité au sein de la République.

Ni le député Arnaud Richard, ni le maire, Catherine Arenou n’étaient présents le 19 mars pour démonter les arguments et contrer l’OPA sur la crèche des politiques de Conflans-Sainte-Honorine. Le Sénateur Esnol et Mme Ervera, conseiller général, ont sauté sur l’ocassion pour récupérer la crèche mythique suite à l’exposé de motifs de Mme Jeannette Bougrab, ancienne présidente de la Halde et sous-secrétaire d’Etat : "Partez, vous êtes en danger... si j’avais mes enfants à Chanteloup, je serai très inquiète..." avait-elle suggéré. Seule voix discordante pour défendre l’implantation chantelouvaise -tel un David contre un Goliath de la pensée unique - Youssef Abdelbahri avait tenté de ramener un auditoire déboussolé à la raison. Certes, M. Abedelbahri avait tâché de rester sur la ligne de défense de la laïcité mais sans amalgames contre les habitants de Chanteloup.

La messe a été dite ce soir du 19 mars. Et maintenant la crèche part sous d’autres cieux. Mais les défis restent énormes : comment faire pour multiplier ce type de crèche sur l’ensemble de l’hexagone ? Qui va payer les coûts d’investissement en considérant l’état de nos finances publiques ? Et le privé est-il apte pour un accueil 24/24 et 7/7 ? La méthode Baby-Loup, est-elle extrapolable au reste de la France ?

La crèche souffre aussi d’une image clivante de la directrice Mme Baléato qui, telle une pasionaria de la laïcité, ne permet plus une sorte de quiétude dans les affaires quotidiennes d’une crèche - publique ou privée - où la tendresse devrait être le leitmotiv et non pas les injonctions politiques ou religieuses. Il est temps de tourner la page !