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Par : Sirieux
Publié : 17 novembre 2011

Affaire du bois de Vernouillet

"On ne veut pas être DUPés !"

Voilà ce qui est dit ici et là depuis trois semaines sur l’affaire de la forêt de Vernouillet. D’une manière classique, l’intérêt général est avancé pour "spolier" un certain nombre de propriétaires. Mais, ces derniers n’ont pas l’intention de lâcher prise et l’affaire devient de plus en plus politique... une enquête publique s’est déroulée 10 au 28 octobre 2011. Une réunion a été provoquée par la municipalité le jeudi 17 novembre... (A suivre)

Depuis le début d’octobre, les propriétaires d’espaces boisés concernés par la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) et la procédure d’expropriation sur le bois de Marsinval se mobilisent : présence continue sur les marchés de Vernouillet et de Verneuil-sur-Seine. Mise à part une pétition sur le net (mesOpinions.com), cinq cents signataires (version papier) ont déjà fait savoir leur mécontentement vis à vis de la municipalité de Vernouillet et de sa première magistrate, Mme Marie-Hélène Lopez-Jollivet.

"Spoliation, mitage, destruction de la forêt... collectivisation" sont les termes utilisés par les opposants à cette DUP qui a été initiée par la préfecture (arrêté du 15 septembre 2011). En fait, cette date a déclenché une enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique suite à une information et une enquête parcellaire du 10 octobre au 28 octobre 2011. Même si le rapport du commissaire-enquêteur sortira en décembre 2012, les enjeux de cette affaire du bois dépassent le cadre classique d’une expropriation par la puissance publique, incarnée par la région Ile-de-France (présidée par le socialiste J-P Huchon) et initiée et accompagnée par le maire de Vernouillet, Marie-Hélène Lopez-Jollivet (PS).

En réalité, cette affaire a commencé en 1994 lorsque le Conseil général des Yvelines classe 290 hectares dont 80 ha de bois en zone ENS ou Espace naturel sensible. Puis, la région Ile-de-France a ajouté en 2000 un dispositif similaire : le périmètre d’intervention foncière (PRIF) qui recommande la préservation des espaces boisés à Vernouillet. A ce jour, la région est déjà propriétaire de vingt-cinq hectares de bois dispersés et a déjà investit 187 000 € dans cette volonté de préservation.

Unanimité "Pour" et "Contre"

Dans la logique de cette politique territoriale (Conseil général des Yvelines et la région Ile-de-France), le 22 janvier 2007, une délibération a été adoptée par le conseil municipal qui stipula le commencement de la procédure administrative de "la DUP sur le massif forestier de Vernouillet". "Afin de conforter à une meilleure maîtrise foncière de l’agence des espaces verts, il est décidé de lancer une DUP sur les parcelles restant à acquérir."

A l’exception de Marc Morin, absent, tous les conseillers municipaux étaient présents et ont voté cette délibération à l’unanimité et, selon le PV, sans aucun débat. L’opposition à Mme Marie-Hélène Lopez-Jollivet était bien représentée par Mme Hélène Briox-Feuchet, et MM. Patrick Minasso et Claude Quintard. Ces trois là avaient voté pour la délibération du 22 janvier 2007.

Derrière cette légitimité démocratique, Mme le maire, Marie-Hélène Lopez-Jollivet reste droit dans ses "souliers" : "C’est l’intérêt général qui doit primer... le préfet a validé notre procédure et le commissaire enquêteur avisera." Quant aux opposants, "c’est une minorité" qui agit pour leur intérêt. Quant à la mobilisation sur les marchés, elle la balaie avec une affirmation : "Le registre et le cahier de l’enquête publique ne sont pas trop utilisés... enfin, un très gros propriétaire est d’accord pour vendre !"

Marc Surgis, agriculteur de profession, un des farouches opposants à cette DUP, précise : "Les propriétaires de parcelles boisées, les habitants de Vernouillet et des communes voisines, ont signifié leur refus de la mise en exécution de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) sur l’ensemble des bois de la butte de Marsinval. Le vote par le conseil municipal dans sa séance du 17 octobre – avant toute concertation avec les intéressés – dénote un manque de considération" de l’expropriant.

Pas DUPés

En outre, M. Surgis réfute le bien fondé des trois arguments avancés par le maire pour procéder à la mise en oeuvre de cette DUP : "Il n’y a pas de mitage dans les bois ; quant à la sécurité, ces bois ne sont pas considérés comme dangereux... et le déboisement BARBARE est le fait de la collectivité elle-même". Le droit de propriété peut coexister avec les politiques territoriales actuelles qui consistent à préserver les espaces naturels et agricoles. "La preuve en était fournie", souligne-t-il, "par la création de la Zone agricole à préserver à Vernouillet."

Pour lui, trois exigences sont de mises :

  • l’abandon de la DUP ;
  • la mise en place d’une véritable concertation et écoute sur l’avenir du massif forestier de Marsinval.
  • à l’instar de la Zone Agricole Protégée, les transactions ne puissent se réaliser que par des agriculteurs ou par l’agence des espaces verts en laissant à chacun le libre choix : de vendre ou de conserver son bien.

En somme, les agriculteurs, exploitants agricoles et les propriétaires ne veulent pas être dupés.

Les juristes, Jean Bernard Auby et Hugues Périnet-Marquet(1) soulignent que l’expropriation est un des procédés "exorbitants" du droit commun dont dispose les collectivités et l’administration pour acquérir des sols dans le cadre de sa politique territoriale (urbanisme, préservation des bois... etc.). L’enjeu reste de bien l’encadrer et débattre sur le bien-fondé de l’intérêt général qui peut générer la procédure d’expropriation et de sa DUP.

Cette procédure, justifiée par l’intérêt général habillé par une procédure classique de DUP, tend à atténuer le caractère classique de la propriété comme étant "inviolable et sacrée" selon la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

Pourquoi cette tendance expropriatrice de la collectivité locale ou de l’administration ? Uniquement l’intérêt général (et certaines servitudes classique tel le droit de passage...) justifie ce manquement aux droits "inaliénables" des propriétaires de la forêt de Marsinval. Au fond, l’intérêt général n’est pas justifié, selon les "futurs expropriés" du bois de Vernouillet.

Renvoyer la balle

Pour Marie-Hélène Lopez-Jollivet, protéger le bois s’inscrit dans la politique territoriale de la région Ile-de-France. Cette dernière gère trente-huit forêts dont sept en Yvelines (en particulier, celle de Verneuil-sur-Seine). Selon le maire, le massif de Marsinval sera géré par un comité d’associations, de chasseurs, d’ élus et de marcheurs... "Protéger la biodiversité est aussi une priorité pour les années à venir", souligne-t-elle.

"Assurer la protection définitive et constante par la Région Ile-de-France. Les bois concernés seraient incorporés dans le Domaine forestier de la Région Ile-de-France et soumis au régime forestier" telle est la définition de l’intérêt général dans le cas espèce. Son ouverture au public est préconisée par le maire.

Justement, Marc Surgis contre argumente : les bois " sont libres d’accès et gratuits pour tous. Ils ne coûtent rien au contribuable vernolitain." Quant à la biodiversité, il doute du sérieux de la démarche en connaissant la manière dont l’Agence des espaces verts agit actuellement sur les vingt-cinq hectares de bois appartenant à la région. En fait, cette affaire risque d’avoir des répercussions politiques. Tout le monde se rend compte que les législatives (où Mme Lopez-Jollivet serait candidate aux primaires de la gauche pour se présenter à la 7e circonscription) approchent.

Au risque d’être caricatural

Contactée par la rédaction, l’opposition (UMP) ne savait pas qu’elle avait voté en 2007 dans une délibération importante qui dicta la suite des événements. Même si les membres, qui avaient voté en 2007 ne sont plus au conseil municipal, les membres actuels devraient assumer cette contradiction car c’était la même liste à notre connaissance.

L’opposition UMP attaque d’une manière caricaturale "la collectivisation des espaces privés" en soulignant le caractère "aberrant" d’une dépense publique -estimée à 400.000 euros - pour des expropriations... Néanmoins, elle a voté le 17 octobre contre la délibération d’enquête publique pour procéder à une DUP.

Sur un autre plan, et en lien avec la modification du PLU actuellement en cours, l’opposition estime que "le devenir de cette zone (NDLR : le massif) aurait du être soumis à concertation dans ce cadre et que cette DUP n’aurait en aucun cas du intervenir avant même que le plan de zonage ne soit établi. Un classement de cette zone en Espace Boisé Classé, aurait notamment pu être envisagé." Bien vu mais trop tard.

Cette affaire d’expropriation - du bois de Vernouillet montre l’inextricable difficulté de comprendre les droits-devoirs à la fois du propriétaire et de la puissance publique. Veiller aux modifications du droit de sol est une véritable exigence pour les propriétaires.

A l’inverse, et d’une manière classique, ce débat (et éventuellement la contestation de la DUP par la "minorité agissante" ) peut engendrer des conséquences politiques considérables pour le maire de Vernouillet, Marie-Hélène Lopez-Jollivet à l’aube des échéances électorales de 2012. Et les séquelles, risqueront-ils de réapparaître en 2014, année des élections municipales ?

Post-scriptum

(1) Droit de l’urbanisme et de la construction, Editions Montchrestien, 2001

Plus de photos dans l’article du Journal des Deux Rives