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Publié : 6 mai 2015

Loi sur le Renseignement

Loi liberticide

438 députés ont voté pour et 86 contre et 42 se sont abstenu lors du vote de cette loi à l’Assemblé nationale le 5 mai 2015. Cela interroge sur les fondamentaux de notre société et l’équilibre à garder entre la liberté individuelle et la sécurité de tous.

A première vue, tout est parfait : un gouvernement (du surcroît socialiste) qui s’occupe de la sécurité publique et notamment dans ce monde complexe et dangereux lié au terrorisme. L’Assemblée nationale a adopté le 5 mai le projet de loi relatif au renseignement, aboutissement d’une réflexion approfondie pour encadrer juridiquement l’action des services de renseignement. Comme prévu, le Parti socialiste a salué « l’action du gouvernement dans sa lutte constante qu’il mène contre toutes les menaces en préservant les libertés publiques et individuelles ».

Les défenseurs de cette loi soulignent les avancées. Ce texte permet avant tout de corriger les carences des textes existants et de donner un cadre législatif au renseignement. La dernière loi similaire remontant à 1991, cette adaptation de nos outils de renseignement aux nouveaux défis géostratégiques et aux nouvelles technologies était nécessaire.

Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, était l’invité le même jour de la matinale de Patrick Cohen (France Inter) pour défendre la loi sur le renseignement qui devrait être adoptée le même jour par les députés. Et pour rassurer les auditeurs sur ce texte controversé, le député de Seine-Saint-Denis a avancé un étrange argument que l’on peut résumer de la sorte : « Si vous estimez que cette loi est mal « boutiquée » et si vous redoutez que dans le futur le pouvoir politique en fasse mauvais usage, ne vous inquiétez pas et votez pour nous qui sommes les amis de la liberté » ! Voilà un raisonnement stupide... qui dénote le niveau de réflexion d’un des pilier du gouvernement sur une des nos droits les plus fondamentaux, la liberté individuelle.

« Le texte permet soulignent ses promoteurs ainsi de renforcer l’action des services de renseignement, de mettre en place des dispositifs de contrôle, à la fois parlementaire mais aussi par le renforcement des pouvoirs de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNTR), et de préserver les libertés à travers une définition stricte des missions de renseignement. Ces dispositifs constituent un engagement de transparence démocratique et institutionnelle ».

Certes, ce texte a été considérablement enrichi par le travail des députés socialistes, « soucieux de combiner l’efficacité à la garantie des libertés individuelles, après plusieurs dizaines d’auditions. Ainsi, notamment, un statut de lanceur d’alerte a été créé afin d’apporter une protection juridique à tout agent qui révélerait des illégalités commises ».
Par ailleurs, dans un souci d’apaisement et de transparence, le Président de la République a décidé de saisir le Conseil Constitutionnel pour s’assurer de la conformité de la loi.

La droite reste discrète sur la question car paradoxalement elle aurait adopté le même type de projet de loi en pareille circonstances. On se rappelle les années Pasqua (terrorisons les terroristes... etc.) et les années Sarkozy en tant que ministre de l’Intérieur. Elle aurait dû s’accommoder avec le mainstream ou la pensée unique : « Au-delà des inquiétudes légitimes quant à la protection de la liberté individuelle, explique un cadre UMP proche de Bruno Le Maire, ce texte comporte de nombreuses dispositions permettant de "cadrer" et de "renforcer" l’action des services de renseignement dans leur mission de protection du territoire. »

Le rôle d’opposant est vraiment drôle : le Canard enchaîné du 22 avril 2015 a exhumé un texte de 166 pages du PS en 2009 sur « La France en libertés surveillées. La République en danger ». Le PS de l’époque critiquait « l’instauration d’une société de surveillance ». Que le temps changent... mais les politiques (et les girouettes) restent.

Au fond, la séparation des pouvoirs entre l’exécutif (gouvernement), le législatif (peuple) et le judiciaire (juges) n’est pas respecté et la Commission adhoc reste un appendice du pouvoir exécutif. En outre, elle exercera son contrôle a postériori. La boîte de pandore est ouverte pour une sorte « Etat policier » dans l’Etat. Imaginez-vous si les amis du maire de Béziers arrivaient au pouvoir ? Alors là on dirait merci qui ?

Certes, la sécurité et la protection des Français exigent une cohésion républicaine et une unité nationale. Le gouvernement devrait agir en mettant en œuvre tous les textes/outils déjà en place. Ce n’est pas des projets de loi qui manquent mais les gens qui interprètent et agissent avant que les terroristes fassent l’irréparable. Espérons que les sages du Conseil constitutionnel seraient les remparts de la liberté individuelle face à ces tentations« libérticides » de ce gouvernement qui se veut « progressiste ».