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Publié : 1er décembre 2018

Conflits sociales et politiques

Chaos !?

Le samedi 1er décembre 2018, les Parisiens de près, les Français par la radio ou la télévision, voire même par Internet, ont vu le troisième acte de la colère des Gilets Jaunes envers le gouvernement d’Emmanuel Macron et les mesures impopulaires, à travers cette seconde manifestation parisienne qui a tourné au chaos.

M. le Président, Emmanuel Macron, n’a pas voulu organiser des commémorations pour « les évènements  », comme disait Coluche, de Mai 1968. Ceux-ci se sont rappelés à lui d’une autre façon. «  On n’a pas vu ça depuis Mai 68  », a déclaré Anne Hidalgo, maire de Paris, suite aux affrontements qui ont opposé les forces de l’ordre à certains gilets jaunes et autres casseurs venus en découdre ce samedi. Il y a encore quelques jours, le mouvement des Gilets Jaunes n’était pas encore comparable à celui de Mai 68. Il y avait des similitudes avec les blocages et les affrontements, une semaine plus tôt sur les Champs-Élysées mais pas plus. Ce dimanche, par contre, beaucoup de personnes, ayant connu Mai 68, comparaient le mouvement des Gilets Jaunes à cet événement historique. Il y a une semaine, certains disaient le contraire car il n’y avait ni les syndicats, ni les étudiants sur le terrain mais, depuis, certains syndicats ont appelé à rejoindre les Gilets Jaunes et, vendredi, certains lycéens bloquaient leurs établissements dans l’objectif de se joindre aux gilets, sous lesquels il y a des manifestants venus de tous bords (jeunes, vieux, chômeurs, salariers, retraités…).

Manifestants ? Pour être totalement objectif vis-à-vis de ces affrontements à Paris et du chaos provoqué, il faudrait plutôt parler des casseurs, venus uniquement pour piller et en découdre, sans fondement idéologique, et de gilets jaunes extrémistes tombés dans la violence par la déception, l’écrasement social, fiscal et humain subi, ainsi que par le mépris du gouvernement, selon eux, à leur égard. Mais cela ne justifie pas le chaos. Cela peut l’expliquer, cela peut donner des raisons mais cela ne peut pas justifier, dans une démocratie, les affrontements, les combats et les détériorations faites les samedis 24 novembre et 1er décembre 2018.

Cependant, ce samedi de chaos a montré les nombreux visages des Gilets Jaunes et des incohérences. Les Français ont vu des casseurs, des affrontements mais aussi des Gilets Jaunes s’éloigner des lieux de combats, car ils étaient venus pour manifester pacifiquement ou encore porter secours aux commerçants voire aux CRS. Effectivement, les images choquantes marquent les esprits et les caméras plus facilement mais elles ont montré comment un CRS, à terre, tabassé par plusieurs Gilets Jaunes, ce qui est un acte cruel, fut extirpé du chaos par d’autres Gilets Jaunes. Cet exemple n’est pas le seul et l’inverse est également diffusé à travers la vidéo d’une charge de CRS sur des jeunes (sans doute des étudiants) à genoux devant les forces de l’ordre. Que croire ?

Des Gilets Jaunes et des casseurs ont pris l’Arc de Triomphe, épargné en Mai 68 en raison du symbole qu’il est. L’arc a été dégradé et beaucoup de politiciens et de personnes habilitées disent que la tombe du soldat inconnu fut « profanée », alors que les photos et les vidéos montrent que la tombe est restée intacte. Certains Gilets Jaunes ont même fait un cordon de sécurité autour de la tombe, en chantant autour d’elle des chants révolutionnaires et, même au départ, autour de l’arc pour empêcher sa dégradation. Ce cordon n’a pas tenu comme les Français ont pu le voir ce dimanche matin avec les graffitis couvrant l’Arc de Triomphe.

Ce samedi de chaos montre-t-il également un autre conflit, qui est celui de l’image et de l’information ? Des informations, des images, des vidéos et des déclarations noient littéralement les ondes, les télés, Internet, les réseaux sociaux et les Français. Beaucoup de ces informations sont contradictoires ou orientées en fonction des objectifs des diffuseurs. Par exemple, Emmanuel Macron, tout juste revenu d’Argentine le dimanche matin, s’est rendu sur les lieux des affrontements. Certaines personnes lui ont dit «  de tenir  » au début du reportage, mais ensuite il s’est fait huer par des Parisiens depuis leurs fenêtres et il semble qu’il ait dû se réfugier dans un café pour éviter des Gilets jaunes. Qui croire ?

Il est certain que sa popularité, déjà très basse, va en prendre un coup. Sa déclaration faisant suite aux « événements » de samedi dernier n’a convaincu personne et deux Français sur trois soutiennent, malgré les dégâts, les Gilets Jaunes en déclarant : « Ils se battent pour nous ! ». Un politologue, durant la semaine qui a séparé l’acte 2 et l’acte 3 de ce mouvement, a dit que les Gilets Jaunes étaient les « enfants de Macron ». Pourquoi ?

Emmanuel Macron, en réalisant cette performance qui l’a élu Président de la République et en partant d’un mouvement populaire remettant en cause le système des partis établis, a désorganisé l’échiquier politique et syndical français. Les Français ont suivi Emmanuel Macron car il offrait une autre voie entre la gauche et la droite ainsi qu’un palliatif au Front National. Son parti est devenu le seul à proposer une structure solide vis-à-vis du Parti Socialiste et de « Les Républicains ». Conséquence, il n’y a pas de structures politiques et syndicales capables d’être l’opposition à « La République En Marche » sans être liés à l’ancien monde. Pourtant, toute chose a une opposition, c’est-à-dire une structure inverse. Mais là, une structure, à laquelle les membres des Gilets jaunes auraient pu se rattacher, n’existe pas et cela se voit dans la naissance de leur mouvement. Il est né comme « En Marche » sur les réseaux sociaux, mais celui-ci avait un chef en la personne d’Emmanuel Macron. Les revendications des Gilets Jaunes sont à la fois à droite et à gauche mais le mouvement manque cruellement d’organisation à sa tête. Les potentiels « représentants » ou « porte-parole » ne sont pas totalement accrédités par tous les membres du mouvement. C’est une opposition née de la remise en cause de l’ancien monde et de la politique du gouvernement mais sans une structure de base. Pourtant, ils ont su organiser de nombreux rassemblements, paralyser la France et faire que 70 % des Français les soutiennent, dont de nombreuses personnalités. Ils sont bien les enfants de Macron car ils sont nés du vide laissé par son élection et la nature a horreur du vide.

Des rassemblements pacifiques organisés lors du premier « acte » le samedi 17 novembre 2018, au chaos de ce troisième «  acte », il est clair que le mouvement des Gilets Jaunes s’intensifie et se radicalise. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des incidents le 17 novembre mais rien à voir avec les actes de destructions des deux derniers samedis. Il semble bien que la majorité des Gilets Jaunes ne soient pas là pour « casser  » mais pour s’opposer à la politique d’Emmanuel Macron et se faire entendre. Il ne faut pas, non plus, faire croire aux Français que ces actes de destruction sont faits uniquement par les « casseurs ». Emmanuel Macron a montré qu’il était une personne déterminée à aller jusqu’au bout de ses idées et certaines de ses déclarations choquent souvent les Français nourrissant leurs amertumes. Sans doute sans le vouloir, il nourrit l’agressivité de personnes qui n’en demandent pas plus pour passer à l’acte ou pour sombrer dans le désespoir. Mais cela ne justifie pas le chaos !

Ce mouvement et sa gestion par le Gouvernement sont en train de poser les bases d’un potentiel « Mai 68 ». Dans une démocratie, la discussion et le compromis sont les bases pour sortir d’un conflit mais, pour le moment, ce qui l’emporte c’est le chaos !