Vous êtes ici : Accueil > Actualités Locales > Politique > La démocratie au nord des Yvelines : le choix entre nouveauté et changement (...)
Publié : 5 juillet 2021

Elections Départementales 2021

La démocratie au nord des Yvelines : le choix entre nouveauté et changement ?

Le dimanche 27 juin 2021, le deuxième tour des élections départementales a eu lieu. Dans les trois cantons observés, Conflans-Sainte-Honorine, Verneuil-sur-Seine et le canton des Mureaux, les duos du groupe Ensemble Pour les Yvelines sont sortis gagnants. Après une campagne autour de divers enjeux démocratiques, écologiques ou encore d’aménagement, la continuité politique a pris le dessus sur le renouveau. Pour autant, plusieurs phénomènes sont intéressants à souligner pour comprendre cette élection.

Avec le Covid et les tergiversations du gouvernement sur la tenue des élections régionales et départementales, un certain nombre d’enseignements se dégagent sur le plan local.

Une élection silencieuse : l’abstention record

Lors de ces élections départementales, l’abstention observée a été sans précédent. Ce phénomène a touché les deux tours, avec 66,7 % d’abstention au premier et 65,7 % au second. Un taux d’abstention encore jamais atteint puisque les élections de 2011, qui étaient jusqu’alors celles qui avaient enregistré le taux le plus bas de participation, ne déploraient que 55 % d’abstention. À l’échelle des différents cantons sur lesquels nous nous concentrons, l’abstention monte à 74,75 % dans le canton des Mureaux. Ce silence face aux urnes soulève de nombreuses questions : Est-ce le signe d’un désintérêt pour la politique de la part des citoyens ou bien une perte de confiance dans le système électoral ? Pour M. Cédric Aoun, maire de Triel-sur-Seine et candidat pour le canton de Verneuil-Sur-Seine, l’abstention « est le rejet de cette politique parce que les politiciens n’arrivent plus à convaincre ». Quelles que soient les raisons avancées pour tenter de l’expliquer, ce record d’abstention a marqué les esprits et les différents candidats n’ont cessé d’appeler à une plus grande mobilisation pour la semaine suivante. Pour autant, si une légère hausse a été enregistrée, les scores réalisés par les abstentionnistes sont toujours très élevés.
Par ailleurs, au second tour, les chiffres des votes blancs et nuls ont quant à eux augmenté. Dans le canton de Verneuil-Sur-seine, au second tour, 6,88 % des votants ont voté blanc ou nul et environ 4,99 % à Conflans-Sainte-Honorine. Ces résultats tendent à souligner que les choix proposés au second tour ne semblent plus satisfaire certains citoyens qui décident de manifester ce désaccord sans pour autant se prononcer entre l’un ou l’autre des binômes en liste. Désintérêt ou désaccord avec les candidats sont donc les deux grands adjectifs de cette élection, davantage silencieuse puisque sur les trois cantons, moins de la moitié des citoyens ont décidé de choisir un candidat, allant jusqu’à moins d’un quart pour le canton des Mureaux.

Une volonté de nouveauté sans changement

Si en 2015 dans le canton des Mureaux et de Verneuil-Sur-Seine, le second tour s’est caractérisé par la présence du RN/Front National et ainsi un large vote en faveur des candidats du groupe Ensemble Pour Les Yvelines, (EPY) cette année la situation est bien différente. Loin d’être un vote contre un parti, lors de ces élections la question qui s’est posée concerne le futur : souhaitons nous un changement ou une continuité politique pour le département et nos cantons ?
Les résultats nous ont permis de constater un phénomène récurrent : si les citoyens veulent de la nouveauté avec la prise en compte de nouveaux enjeux et de nouvelles façon de faire, ils ne sont pas forcément prêts pour le changement qui l’accompagne.

Un premier tour qui laisse un changement se profiler à l’horizon

Les résultats du premier tour dans les trois cantons laissaient paraître la volonté d’un changement de paradigme. Certes, les sortants arrivent en première position dans les trois cantons avec 34,84 % des voix aux Mureaux, 38,33 % dans le canton de Verneuil-Sur-Seine et 41,13 % dans le canton de Conflans-Sainte-Honorine. Cependant, ils sont suivis par des duos qui proposent des programmes avec une focalisation sur de nouveaux enjeux comme l’environnement, la solidarité ou encore un renouveau démocratique. Si l’on peut retrouver des questions environnementales ou solidaires dans les programmes des sortants, ce n’est pas le thème central de leur campagne. Au contraire, ils mettent l’accent sur leurs résultats passés “
« moi je suis très fière du bilan qu’on porte aujourd’hui » nous dit Cécile Zammit Popescu. Les candidats Ensemble pour les Yvelines ont eu tendance, au cours de cette campagne, à jouer le jeu de la continuité en montrant combien ces 6 dernières années ils ont œuvré pour le canton et comment ils vont continuer à le faire « on est là pour continuer à porter la politique qui a été porté jusqu’à présent par le département » ajoute la candidate sortante pour le canton des Mureaux. M. Raynal et Mme Deveze, candidats EPY pour le canton de Verneuil-Sur-Seine sont en accord avec cette idée car il s’agit pour eux de mettre en place le projet pluriannuel du canton décidé lors de l’ancien mandat des conseillers.
De ce fait, les candidats arrivant en seconde position et qualifiés pour le second tour semblent porter une idée de renouveau et surtout de modernité. Les trois binômes opposés aux sortants sur les cantons s’attardent sur la question environnementale. Raphaël Prats et Annie Minarik à Conflans-Sainte-Honorine soutenu par Europe écologie les verts portent un programme intitulé « On passe au vert, Ecologie-solidarité ». Opposé à la construction de nouvelles infrastructures routières proposées par le département, comme le pont d’Achères ou encore l’A104 bis. Cette opposition environnementale aux projets du département rejoint celle du duo composé de M. Cédric Aoun, maire de Triel-sur-Seine et Mme. Marie-Hélène Lopez-Jollivet qui s’oppose fermement dans leur programme à la construction de la déviation de la RD154 pour des raisons environnementales. Arrivés en seconde position dans le canton des Mureaux, Boris Venon et Gwénaelle Guillo ne sont pas en reste car soutenus dès l’annonce des résultats du premier tour par Génération.S et EE-LV. La question des mobilités douces est également au cœur de leurs programmes avec le développement de pistes cyclables plutôt que de nouvelles routes ou un meilleur maillage du territoire par les transports en commun.

D’autres sujets permettent aux candidats d’apporter une certaine nouveauté face aux sortants. C’est le cas pour le duo de M. Aoun et Mme. Lopez-Jollivet qui parle d’un renouvellement dans la façon de faire de la politique. « Nous on a fait beaucoup campagne autour de l’axe de la démocratie participative, du respect des habitants », souligne Marie-Hélène Lopez-Jollivet. Un axe du programme tiré des leçons de la consultation citoyenne ayant eu lieu sur les villes de Verneuil-Sur-Seine, Vernouillet et Chapet en octobre 2020 et dont les résultats n’ont pas été pris en compte par les conseillers départementaux.
A Conflans-Sainte-Honorine, M. Prats et Mme Minarik décident quant à eux d’ajouter un axe sur l’égalité homme-femme dans leur programme, une question jamais abordée dans le programme des candidats sortants.
Le second tour a donc été l’affrontement de la continuité du programme mis en œuvre face à l’apparition de thèmes nouveaux.

Le choix de la continuité politique

Dimanche 27 juin à 22h53, Pierre Bédier annonce à Mantes la Jolie le renouvellement du grand chelem dans les Yvelines : les duos Raynal/Deveze, Zammit-Popescu/Hertz et Brosse/Arenou ont été élus. Si les nouvelles problématiques ont bien été au cœur des débats lors des campagnes, le changement qui devait s’opérer avec n’a pas eu lieu. Au contraire, les citoyens ont choisi la continuité, aussi bien politique dans la vision et les projet mis en œuvre que dans les individus les portant. Réalisant de nouveau le grand chelem, l’ensemble des Yvelines est une nouvelle fois gagné par le parti EPY, questionnant la représentativité des autres courants de pensée politique au conseil départemental.
Les résultats sont pour autant serrés, notamment dans le canton de Verneuil-Sur-Seine avec 5 % et un peu plus de 1000 voix d’écart entre les deux duos. La fluctuation des votants pourrait expliquer ces résultats. Mais la question du report des voix, question centrale dans les scrutin à deux tours à pu également avoir un impact. Si aux Mureaux, les candidats de gauche se sont exprimés pour soutenir le duo Venon/Guillo, dans le canton de Verneuil-sur-Seine un tel report des voix n’a pas été observé. Au contraire, cette question fait débat, avec une prise de position du Rassemblement National considérée comme dérangeante par certains.

Le dilemme autour du vote RN : le choix entre éthique et stratégie ?

Arrivé en quatrième position, dans le canton de Verneuil-sur-Seine, Jean-Luc Gallais s’est exprimé dès le lendemain du premier tour sur son positionnement pour le second tour, invitant ses électeurs à le suivre. Ainsi, il décide d’encourager le vote pour le duo arrivé en seconde position, M. Cédric Aoun et Mme Marie-Hélène Lopez-Jollivet ; pour lui, le plus important est de contrer le système Bédier. Cette prise de position n’est pas passée inaperçue et a déclenché sur les réseaux sociaux de nombreux débats : pour beaucoup, le duo sans étiquette de M. Aoun et Mme. Lopez-Jollivet se devait de refuser explicitement ces votes pour des raisons éthiques. Le duo n’a pas pris position ni en refusant ces votes, ni en les acceptant explicitement. Cela à suffit pour certains à remettre en cause l’éthique des candidats quand bien même refuser explicitement ces voix n’aurait pas été stratégique pour ce second tour. Ces débats houleux soulèvent une question importante : quelle est la légitimité des électeurs du Rassemblement national ? 14 % du canton de Verneuil-Sur-Seine a voté RN, 18,84 % dans le canton des Mureaux et 14,51 % dans le canton de Conflans-Sainte-Honorine. Ces résultats sont loin d’être insignifiants.
La consigne de vote de Jean-Luc Gallais a été également critiquée par le parti quelques jours plus tard, ce qui a de nouveau alimenté le débat. Le RN 78 affirme demander à ses candidats de ne pas prendre position, ce que Jean-Luc Gallais ne comprend pas ; pour lui l’objectif du parti dans ces élections était d’empêcher les « candidats Bédier » d’obtenir les mandats de conseillers départementaux une nouvelle fois. Entre éthique et stratégie politique, la position des électeurs RN semble difficile à définir. Il est possible par ailleurs, que cette consigne de vote ait décrédibilisé le duo Aoun/Lopez-Jollivet et leur ait fait perdre des voix contrairement à l’objectif de Monsieur Gallais.

Quelle place aujourd’hui pour la droite dans le nord des Yvelines ?

Jusqu’à présent, nos trois cantons d’observation du nord des Yvelines ont été dominés par la droite. Cependant, en juin 2020 lors des élections municipales, cette hégémonie de la droite commençait à être remise en question. De nouveaux maires ont été élu proposant de nouvelles orientations politiques mais surtout une focalisation sur des nouveaux enjeux : l’environnement, la solidarité, la proximité…L’élection de nouveaux visages comme à Triel-sur-Seine, à Verneuil-sur-Seine ou encore à Andrésy laissait présager un éventuel retour de la gauche, ou, à défaut, d’une nouvelle plateforme politique au niveau local. De même, lors des élections départementales, de nombreuses listes se sont revendiquées de gauche dans les trois cantons pour essayer de contrer les sortants, réalisant de très beaux scores. C’est le cas du duo socialiste-écologique de Fabien Lemoine et Nathalie Mostowski qui, sur la ville de Verneuil-sur-Seine, arrive en première position lors du premier tour, mais également du duo de Boris Venon dans le canton des Mureaux, ce dernier étant encarté au parti socialiste.
Si les départementales sont le troisième tour des municipales comme l’a affirmé Pierre Bédier, la gauche n’a pas réussi à s’ancrer suffisamment localement pour se maintenir lors de ces dernières élections. La droite semble donc avoir repris au niveau des Yvelines une position hégémonique.
Pour autant, si l’heure du renouveau pour ces cantons n’est pas encore arrivée, avec une nouvelle fois le parti EPY à la tête du département, et de surcroît le même personnel politique, certaines villes ont montré vouloir un changement.

Et maintenant ?

Malgré ces résultats, tout n’est pas résolu pour les cantons et le département des Yvelines. Ces nouveaux enjeux restent toujours au cœur des attentes de nombreux citoyens et pour certains sujets, il va être impossible de les contourner. Avec la faible différence de voix et la mobilisation qui continue, le département risque de rencontrer de nouvelles oppositions au sujet de la déviation de la RD154. L’annonce de M. Aufrechter, maire de Verneuil-Sur-Seine, de la tenue d’un conseil municipal sur le tracé de cette déviation en est un exemple parlant. Sujet au cœur de ces élections dans le canton de Verneuil-Sur-Seine, la déviation de la RD154 a fait parler d’elle et cela continuera probablement.
Ces élections ont montré une envie de renouveau, qu’il va être impossible pour les candidats élus d’ignorer. Ainsi, à l’issue de l’annonce des résultats, M. Raynal met l’accent sur une action environnementale « dans cette boucle de seine, le département va la transformer en une forêt, 250 hectares vont être plantés. Si ça, ça ne s’appelle pas du développement durable ! »,« donc ça c’est un acte fort » selon M. Raynal, qui va devoir penser davantage à la question environnementale pour s’adapter. Par ailleurs, la victoire des candidats EPY ne signifie pas la fin des combats citoyens pour l’aménagement de leur département comme la mobilisation autour du pont d’Achères qui continue également.
Du côté des réalisations de la campagne et de leur pérennisation, Boris Venon souhaite « continuer cette dynamique […] qui est née pendant cette campagne. Donc on a essayé de rassembler autour de nous les forces de gauche et de retisser ces liens et de recréer une offre alternative, à l’échelle du canton et à l’échelle du département. » Ainsi, si la droite reste hégémonique pour le moment, la gauche pendant ce temps-là semble néanmoins se reconstituer sur le territoire.
Au-delà de ces points, la démocratie apparaît affaiblie à la suite de ces élections, et ce fléau est plus important que le clivage gauche-droite existant.

Résultats des élections sur les cantons de Conflans-Sainte-Honorine, Verneuil-sur-Seine et des Mureaux.

A Conflan-Sainte-Honorine, Catherine Arenou et Laurent Brosse finissent en première position avec 57,89 % des voix, devant Raphaël Prats et Annie Minarik. A Verneuil-Sur-Seine, Fabienne Devèze et Jean-François Raynal sortent vainqueurs avec 52,96 % des suffrages face à Cédric Aoun et Marie-Hélène Lopez-Jollivet. Enfin, dans le canton des Mureaux, Cécile Zammit Popescu Et Marc hertz gagne avec 56,30 % des voix face à Boris Venon et Gwénaelle Guillo.