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Publié : 24 avril 2023

Santé

Les déserts médicaux, un état des lieux

Les zones sous-denses, dites « déserts médicaux » font partie d’un enjeu national. L’extrême gravité de la pénurie en médecins en France et la complexité du problème posé ont conduit l’Académie nationale de médecine à établir un état des lieux précis dans un rapport de 23 pages en date d’avril 2023.

Phénomène mondial, la pénurie en médecins concerne en France tous les secteurs d’activité, l’hôpital public comme la médecine libérale, notamment la médecine de premier recours. Les médecins généralistes comme les autres spécialistes de toutes les disciplines, mais aussi les autres professionnels de santé, ne parviennent plus à répondre à la demande de soins. En effet, alors même que cette dernière explose depuis un demi-siècle, les effectifs des médecins sur le terrain diminuent, notamment en raison de l’abaissement dramatique du numerus clausus par les pouvoirs publics pendant un quart de siècle.
Aujourd’hui, les déserts médicaux s’aggravent et s’étendent à de très nombreux territoires non seulement ruraux, mais également péri-urbains et urbains. L’Académie s’est fixé pour objectif de rédiger des recommandations, diverses et complémentaires, devant s’appliquer sur le plan national et se décliner au plus près des réalités locales des territoires.

I — Proposer d’urgence :

- l’instauration d’un service médical citoyen d’un an pour les médecins nouvellement diplômés dans le cadre d’un engagement contractuel s’appuyant sur leur conscience professionnelle et excluant toute forme de régulation ou de coercition, notamment concernant l’installation. Ce service médical citoyen permettrait de renforcer la médicalisation des zones sous-denses et d’éclairer le choix de carrière des jeunes médecins par une expérience de terrain.

- toutes mesures favorisant le cumul emploi-retraite des médecins récemment retraités tout en permettant à leurs cotisations de générer des droits supplémentaires

- favoriser l’exercice multi-site, qui a déjà fait ses preuves dans notre pays lorsqu’il fut confronté à un déficit de soignants après la seconde guerre mondiale, et qui devrait retrouver une place privilégiée dans la lutte contre les déserts médicaux. (par exemple un groupe de 5 médecins exerçant ensemble pourrait assurer une journée de consultations par semaine dans un cabinet décentralisé, avec des aides de la collectivité locale qui l’accueille)

- une sensibilisation de la population au bon usage de la médecine, incluant le respect des rendez-vous pris auprès des médecins et autres soignants, et la reconnaissance du service rendu par le système de santé français eu égard à sa complexité, son coût et ses difficultés d’exercice.

II — Mettre en place au plus vite les autres mesures suivantes :

- Redonner au médecin du temps médical :

- en optimisant les délégations de tâches à d’autres professionnels de santé (infirmiers, maïeuticiens, pharmaciens…) dans le cadre de parcours de soins coordonnés par le médecin, en respectant le champ de compétence de chacun.

- en allégeant la charge administrative en simplifiant les réglementations et en recrutant des assistants médicaux, des secrétaires et des personnels informatiques.

- Promouvoir et faciliter l’exercice et les installations précoces dans les zones sous-denses (guichet unique, incitation au cumul emploi-retraite, exercices multi-sites, consultations délocalisées, bon usage de la télémédecine).

- Renforcer la sécurité des médecins dans les zones sensibles.

- Réactiver les visites à domicile, en les valorisant financièrement et en les facilitant techniquement.

- Densifier localement les interactions avec l’hôpital,

- Augmenter immédiatement et significativement le « numerus apertus  », en l’adaptant aux besoins des territoires, évalués avec les élus locaux, les médecins (libéraux, hospitaliers, universitaires) et les autres professionnels de santé, ainsi que les représentants des patients

- Diversifier l’origine territoriale et sociale des étudiants par des incitations et des accompagnements dès le lycée.

- Développer les stages en zones sous-denses dès le deuxième cycle, en augmentant le nombre de stages et de maîtres de stage, et en créant des tuteurs.

- Éviter toute coercition concernant l’installation en médecine libérale, de même que lors des stages dans la quatrième année du DES de médecine générale.

III-Recommandations face à l’urgence :

Dans les zones médicalement sous-denses (dites « déserts médicaux  ») la pénurie de médecins soignants en équivalent d’exercice temps plein atteint un niveau critique. Le nombre des médecins généralistes a diminué de 11% entre 2010 et 2022. Compte-tenu de la pyramide des âges et du départ à la retraite des médecins âgés aujourd’hui de 55 à 65 ans, cette pénurie s’accentuera plusieurs années encore avec « rétablissement de la densité médicale seulement d’ici 2033 » selon le récent rapport du Sénat. Elle est d’autant plus grave qu’elle ne touche pas seulement les régions rurales mais concerne la quasi-totalité du territoire français, y compris les zones périurbaines et même urbaines.

Pour tenter de pallier les conséquences de cette pénurie, en grande partie liée à l’abaissement excessif du nombre de médecins formés (numerus clausus) pendant un quart de siècle, de nombreuses mesures ont été proposées depuis des années. La dernière en date consistait à imposer aux internes de médecine générale d’effectuer une quatrième année dans les zones sous-médicalisées, mesure ayant déclenché une farouche opposition des internes concernés.

Selon un récent rapport du Sénat (29 mars 2022), cette pénurie de médecins se traduit par le fait que :

« — 30 % de la population française vit dans un « désert médical »

- 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux

- 11% des français de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant »

Souhaitant que la liberté d’installation et le choix éclairé du parcours professionnel des jeunes médecins soient respectés, l’Académie nationale de médecine recommande :

1- L’instauration d’un service médical citoyen d’un an pour les médecins nouvelle-ment diplômés dans le cadre d’un engagement contractuel s’appuyant sur leur conscience professionnelle. Ce service médical citoyen, préparé en amont avec l’aval des doyens, permettrait de renforcer la médicalisation des zones sous-denses et d’éclairer le choix de carrière des jeunes médecins par une expérience de terrain.

Ce Service médical citoyen sera organisé :

- dans les territoires, de manière conjointe par l’ARS, la ou les facultés de médecine, les médecins et les élus, en fonction des besoins locaux ;

- dans le cadre d’un salariat, calqué sur la grille indiciaire des praticiens hospitaliers ;

- en utilisant une infrastructure professionnelle (locaux et frais de fonctionnement, frais de déplacements…) à la charge des collectivités locales, qui offriront en outre au médecin et à sa famille une aide logistique (logement, inscription prioritaire des enfants en crèche et à l’école, éventuellement aide à l’emploi du conjoint…) ;

- en visant principalement le milieu ambulatoire, mais aussi les établissements de santé publics ou privés.

2- La mise en place de mesures favorisant le cumul emploi-retraite des médecins récemment retraités tout en permettant à leurs cotisations de générer des droits supplémentaires.

3- de favoriser l’exercice multi-site, qui a déjà fait ses preuves dans notre pays lorsqu’il fut confronté à un déficit de soignants après la seconde guerre mondiale, et qui devrait retrouver une place privilégiée dans la lutte contre les déserts médicaux (par exemple une groupe de 5 médecins exerçant ensemble pourrait assurer une journée de consultations par semaine dans un cabinet décentralisé, avec des aides de la collectivité locale qui l’accueille)

4- La sensibilisation de la population au bon usage de la médecine, incluant le respect des rendez-vous pris auprès des médecins et autres soignants, et la reconnaissance du service rendu par le système de santé français eu égard à sa complexité, son coût et ses difficultés d’exercice.