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Publié : 3 avril

Débat etv

Médias et démocratie : un binôme en panne

La Ligue des Droits de l’Homme a organisé le 28 mars une rencontre-débat autour du couple (indissociable ?) Médias et Démocratie. Que se passe-t-il actuellement dans les pays européens et aux Etats-Unis autour de ce débat ? La double crise du politique et du journalisme est-elle insurmontable ? Le public fort nombreux a interrogé le panel de 4 intervenants dont Philippe Reltien, journaliste de la cellule d’investigations de Radio-France.

La section LDH de Conflans, Andrésy, Chanteloup-les-Vignes et Maurecourt vogue sur le fleuve de la Seine pour apporter de la connaissance et des échanges depuis des années. A la Péniche de Triel, elle a réuni un panel d’intervenants d’horizons différents et ayant pour certains une forte expérience nationale ou locale : Gwenaëlle Leprat, journaliste indépendante, élue du Conseil du Syndicat National des Journalistes (SNJ) ; Philippe Reltien, journaliste d’investigation à la cellule du même nom ; Elhadji Diallo, journaliste reporter à Radio LFM de Mantes ; Rodrigo Acosta, directeur du Journal des 2 Rives (par ailleurs auteur de ces lignes). A noter également, la présence de Damien Delerin, président de l’association ADAIM éditrice du Journal des 2 Rives.

Pour les organisateurs, la méthode est rodée : «  Il ne s’agit pas d’assener de vérité, car chacun de nous a sa vérité, son point de vue… mais d’échanger et d’exposer les arguments pour ou contre telle ou telle affirmation. Il ne s’agit pas de convaincre mais de comprendre ! »

Le binôme est piégé dans un cercle vicieux

Ainsi, le public est invité à préparer des questions et/ou des remarques pour alimenter les échanges, suite à un premier tour de table des intervenants. Le constat est sevère car le journalisme (ou le secteur de la presse) ne va pas bien ; comme la démocratie en Occident d’ailleurs : le binôme est en panne. « Le fossé s’accroît, fait remarquer Elhadji Diallo, reporter à la radio LFM, entre les lecteurs/habitants et les journalistes. » Certains auraient pu ajouter que des élus ont également perdu la confiance des électeurs/habitants. D’une manière schématique, le nombre de titres a dramatiquement diminué et le nombre de journalistes (même si des pigistes les remplacent dans un système qui s’uberise davantage) a parallèlement chuté.(1)

Un cercle vicieux s’est installé : moins de périodiques/médias aboutit à moins d’information vérifiée, ce qui conduit à une éclosion de fakenews ou de faits alternatifs… qui consistent à dire tout et son contraire sans aucun contrôle « social » ou « factuel ». Le cas d’un article du Parisien sur le soi-disant hébergement dans un « château » sur l’ancien site d’Agro tech à Grignan a mis en évidence ce fléau. Certes des « instances déontologiques »(2) peuvent intervenir pour corriger des erreurs du média en général et de la presse en particulier. Mais, elles ne sont pas en mesure de faire le gendarme de la presse. A juste titre. Le paysage médiatique se détériore également par la tentative de monopole de l’information : «  10 grands patrons contrôlent la presse, » a souligné Philippe Reltien avec des conséquences néfastes pour la démocratie. Ainsi, l’uniformisation des articles, des émissions et des vidéos, la chute irréversible de titres indépendants aux Etats-Unis(3) et en France avec la paupérisation des journaux régionaux, l’apparition de zones considérées comme des « déserts » d’information, nuisent au bon fonctionnement démocratique au niveau local, a fortiori national. Le populisme et la démagogie constituent la preuve que le choc démocratique a été brutal.

Deux défis, financier et institutionnel

Face à ces défis systémiques, les solutions ne sont pas évidentes, notamment sur les deux fronts, financier et institutionnel. Sur le dernier point institutionnel, la démocratie accumule des handicaps non seulement par le manque d’information fiable, mais aussi par le biais du système électoral. M. Yvon Rosconval, conseiller municipal minoritaire à Triel-sur-Sein est intervenu pour développer le constat que le système est biaisé et nécessite des réformes, notamment par une dose de proportionnalité (à la fois dans les scrutins locaux et nationaux). De ce fait, la transparence n’est pas de mise ici et là.

Sur le plan financier, tout semble à revoir, mais le sujet n’a pas été très détaillé pendant la soirée. Financer d’une manière juste et équitable des journaux (et des journalistes dans tous les médias) sans pour autant alourdir les dépenses publiques est une question qui nécessiterait une autre rencontre-débat. En outre, l’information doit-elle être payante et par qui ? La notion de gratuité n’a pas été décortiquée non plus.

En conclusion, cette réunion publique a abordé l’intersection entre le besoin d’information fiable et le bon fonctionnement démocratique des sociétés occidentales en prenant les exemples des Etats-Unis et de la France. Il y a urgence à répondre avec des solutions pour pérenniser le binôme Média/Démocratie. Une « précarité du journalisme », en miroir des professions qui font partie de l’ensemble de Médias, s’installe durablement. Entre-temps, il faut « occuper le terrain  » avec les moyens du bord… sans pour autant pouvoir redonner la force à nos démocraties défaillantes.

L’intégralité du débat est à retrouver en vidéo en cliquant sur ce lien :https://www.youtube.com/live/xcw0yBAXXdY?si=RSKcEBKPO4h4ZyPL

Post-scriptum

Notes

1. Entre 2011 et 2022, les effectifs sont en diminution progressive tout au long de cette période. Le nombre de journalistes était d’environ 37.000 en 2011. Plus de dix ans après, les effectifs étaient inférieurs à 34.000. Chaque année, on comptait légèrement plus de journalistes masculins que féminins.

2. L’ARCOM, créée le 1er janvier 22

Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et Numérique (Arcom) garante des libertés de communication et d’expression (issue de la fusion du CSA et de l’Hadopi).
Ses décisions ont force de loi.
L’ARCOM assure actuellement la présidence du REFRAM, le réseau francophone des régulateurs des medias. A ce titre oeuvre à la consolidation de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’homme.
wwww.arcom.fr
Le CDJM
Le Centre de Déontologie Journalistique et de Médiation est une instance de médiation entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique. Organe d’auto-régulation, le CDJM rend ses décisions seul, en toute indépendance des pouvoirs politiques ou économiques.
Tout le monde peut saisir (gratuitement) le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).
https://cdjm.org
3. « Aux Etats-Unis, la disparition des journaux locaux s’accentue », Le Monde, les 7 et 8 janvier 2024 page 15. « En 2023, plus de 130 titres ont fermé ou ont été absorbés, ce qui pèse sur le fonctionnement de la démocratie ».